Study Buddy Onboarding pour une rentrée mixte

Engager ses étudiants en période de rentrée présence-distance: comment mettre en place un dispositif humain ?

Study buddy” un concept issu de l’apprentissage social

D’un côté, un dispositif vieux comme le monde de l’enseignement, de l’autre des pratiques qui se développent au fur et à mesure que le numérique et les outils digitaux intègrent notre quotidien, celui des étudiants mais aussi les modalités d’apprentissage à distance : voilà le “study buddy”.

Vous vous souvenez au lycée quand on vous mettait en binôme pour disséquer des grenouilles ? Historiquement, dans le milieu éducatif anglo-saxon, le concept de “study buddy” c’est ça.

Cela se traduit littéralement par : “compagnon d’étude”.

On le retrouve utilisé à la fois dans l’enseignement secondaire, sous forme de binôme de travail, ou pour s'entraider sur les révisions, mais aussi dans l’enseignement supérieur, pour favoriser l’intégration dans un nouvel établissement (étudiant déjà présent sur le campus qui fait visiter à un nouvel arrivant), ou réviser en groupe.

Un concept basé sur le Social Learning

L’usage du Study Buddy s’appuie sur la théorie de Bandura de l’apprentissage social (“Social Learning”*) : plutôt développé pour le groupe, on peut l’appliquer au binôme.

Le binôme a pour avantage - et parfois inconvénient - de n’autoriser un lien qu’avec une personne. Les liens émotionnels sont alors renforcés (positivement ou négativement) par rapport aux liens de groupe. Les liens personnels développés permettent alors de mettre en place un système de confiance réciproque qui aide au renforcement positif (renforcement vicariant de Bandura). Ce lien émotionnel fort permet de renforcer la motivation et donc l’apprentissage.

Dans le cadre d’un binôme, l’interaction engagée reste basée sur l’établissement de “rôle social” : elle nécessite un langage commun mais qui est plus rapidement établi que dans un groupe et l’échange est fluidifié. Chacun peut être tour à tour “enseignant” ou “apprenant”, le lien est plus rapidement émotionnel et l’identité de l’individu moins consensuel.

Un concept plus facile à mettre en place avec les outils numériques

L’arrivée du Web 2.0 et les usages sociaux du numérique ont rendu possible l’usage d’outils de social learning encore plus puissants, tout en permettant de dépasser les limites physiques précédemment inhérentes au concept du social learning.

Le réflexe d’étudiants arrivant dans un nouvel établissement est de mettre en place un groupe Facebook, ou WhatsApp (souvent les deux) afin de maintenir le lien physique en dehors de la classe, transmettre des informations formelles ou informelles. Ces groupes permettent la concrétisation d’un sentiment d’appartenance à un groupe.

Pour les “study buddies”, l’usage social du Web permet la mise en place de plateforme dédiée pensée et orientée de mise en relation : MoocLab - célèbre catalogue de cours en ligne depuis 2014 - propose par exemple ce service à destination des utilisateurs de cours en ligne.

L’environnement numérique permet donc à la fois le maintien du lien noué durant les interactions en présentiel et la création de liens sociaux avec des personnes distantes.

Conclusion
Nous avons donc vu que :

  • l’interaction sociale permet de renforcer l’apprentissage et maintenir la motivation
  • le binôme permet un engagement plus fort que le groupe
  • les outils numériques facilitent l’interaction avec des individus connus ou qu’il faut apprendre à connaître.

Un contexte : IFP School, confinement et rentrée présentielle/distancielle
Confinement 1 : l’apprentissage

Lors du confinement du mars 2020 lié à la crise sanitaire, les équipes pédagogiques à IFP School se sont rapidement emparé des outils numériques pour assurer la continuité pédagogique.

Le contexte se prêtait particulièrement bien à une substitution du modèle présentiel (1er niveau du modèle SAMR) : - l’urgence de la situation a nécessité une adaptation rapide des équipes et l’aménagement du planning des cours ; - les étudiants se connaissaient entre eux depuis 6 mois et avaient déjà développé des connexions personnelles et des interactions de groupes ; - de même, ils connaissaient également les équipes enseignantes et avaient également développé des interactions privilégiées au cours de l’année.

Les équipes ont donc géré en priorité les basiques, c’est-à-dire le maintien de l’activité de formation.

Nous avons cependant tiré une grande leçon de cette situation exceptionnelle : la distance physique ainsi que l’incertitude induites par la situation nécessitaient une communication beaucoup plus importante qu’en physique et des signes de présence forts et marqués de la part du corps enseignant et de l’administration de l’école. Nous nous y sommes attachés à travers des dispositifs divers permettant cette communication école-étudiants dès le premier confinement du mois de mars.

Les étudiants se connaissant depuis plus de 6 mois, les liens sociaux entre eux étaient déjà bien établis.

Réflexion sur la stratégie d’accueil

L’été 2020 nous a permis d’anticiper et de réfléchir à une stratégie pour la rentrée de septembre incluant de nombreuses contraintes :

  • Modalité de reprise des cours inconnue (présentiel, distanciel : mesures liées à l’état de la crise sanitaire)
  • Nombre d’étudiants physiquement présents sur le site de l’école (problèmes d’obtention de visa en lien avec la crise sanitaire, quarantaine liée à un état personnel, etc.)
  • Disparité importante des situations par programme.

Nous avons donc bâti un système basé sur de grands principes de conduite et des recommandations globales (tant matérielles que procédurales) - libre à chaque responsable de programme de les adapter à leur situation.

Il fallait absolument que les étudiants se sentent aussi bien accueillis en physique qu’à distance.

Le Study buddy adapté aux modalités mixtes

Nous avons vu que le concept de study buddies est utilisé soit en 100 % présentiel, soit en 100 % à distance (ex. MoocLab).

La rentrée 2020 à IFP School allait avoir lieu de manière mixte : dans un même programme, certains étudiants seraient présents, certains à distance - la proportion n’étant pas connue à l’avance.

Il nous importait que les nouveaux étudiants soient tous motivés par cette nouvelle année - qu’ils soient à distance ou physiquement présents.

Il a donc été proposé aux responsables de programme de mettre en place dès la semaine de la rentrée un système de binôme entre un distanciel et un présentiel, afin de s’assurer de la bonne intégration de chaque étudiant à distance.

A noter également que la plupart des étudiants à distance ont fini par arriver définitivement : les derniers, deux mois après la rentrée de septembre.

Typologie d’usage

La mise en place de ce binôme avait un objectif large : permettre l’intégration des étudiants à distance. Cet objectif pouvant être décliné ensuite par type d’action.

En voici quelques exemples :

Onboarding administratif et organisationnel
Le partage d’information comme le planning, les outils utilisés, les bons contacts parmi les équipes IFP School

Suivi pédagogique synchrone et asynchrone
La connexion Internet peut se révéler erratique : suivre les cours à distance demande parfois d’avoir un contact présent pour : relayer une question, redire une phrase manquée, s’assurer de la bonne compréhension générale.

Et, en cas de suivi asynchrone, pouvoir s’appuyer sur quelqu’un pour expliquer les manques probables d’information

Stage terrain
Grâce à l’usage de la visio sur smartphone, l’étudiant présent pouvait faire vivre le stage terrain (visite d’équipement, travaux en salle de TD) à distance.

Informations non académique
Pour les étudiants étrangers déstabilisés par une arrivée précipitée (obtention du visa et venue dans la foulée), les étudiants présents peuvent aussi partager des informations plus informelles comme par exemple où se loger, quels types de transports prendre, la situation en France, etc.

Un déploiement adaptable

Il est à noter que, lors de la mise en place de la stratégie à IFP School, aucun outil ou procédure n’ont été imposés : nous avons simplement proposé un principe, laissant chaque programme s’adapter en fonction de leur situation spécifique.

Ainsi, certains programmes ont préféré mettre en place des rôles “tournants” de study buddies, d’autres ont demandé à des volontaires de se proposer et de garder le même binôme tout du long.

Dans certains programmes n’ayant pas mis en place le principe général, il a parfois été ponctuellement utilisé pour un type d’activité (exemple : stage terrain).

Un retour enthousiaste

Les étudiants ayant vécu leur début d’année à distance ont apprécié l’engagement général à leur attention. Certains binômes ont très bien fonctionné et ont même créé de réels liens d’amitié entre les “study buddies” (cf. le podcast), d’autres ont glissé tranquillement vers des interactions plus de groupe, grâce au groupe WhatsApp du programme.

Il semble que la mise en place d’un système d’intégration anticipée de ce type a non seulement permis aux arrivants tardifs de ne pas être trop en retard sur le programme, mais également d’être mieux connus et mieux intégrés par le  reste des étudiants en présentiel.

La crise sanitaire obligeant les étudiants au port du masque permanent, il semblerait même que les étudiants en présentiel connaissent et reconnaissent mieux leur collègue distanciel que les autres présents, renforçant ainsi le lien social.

Conclusion

La mise en place du dispositif de Study Buddies à IFP School n’a été possible que parce que les autres étapes - les besoins “primordiaux” - de la relation école - étudiants étaient déjà correctement intégrées :

  • assurer les cours (présence, distance, et mixte)
  • accueillir les étudiants
  • connaître les différents outils.

L’accompagnement des étudiants est aussi dans l’ADN de l’École à travers d’autres dispositifs pré-existants :

  • le suivi personnalisé de chaque étudiant par un tuteur
  • le lien fort tissé entre le responsable de programme, les enseignants  et leurs étudiants

Cette étape d’intégration supplémentaire - proposée dans le dispositif mixte mis en place pour la rentrée de septembre 2020 - a permis à IFP School de ne laisser aucun étudiant en arrière, malgré la densité des programmes, et le maintien qualitatif et quantitatif de ces derniers dans cette période de crise.

* Bandura, A. (1962). Social learning through imitation. In M. R. Jones (Ed.), Nebraska Symposium on Motivation, 1962 (p. 211-274). Univer. Nebraska Press.

Auteure de l'article : Marie de la Villèsbrunne