Entretien avec Jean-Charles de Hemptinne, titulaire de la chaire et chercheur-enseignant à IFP School
IFP School vient de lancer, avec le soutien de l’Association de Formation pour l’Industrie (AFI), une nouvelle chaire d’enseignement et de recherche intitulée "Thermodynamique des électrolytes" (EleTher). D’une durée de trois ans, elle est portée par Jean-Charles de Hemptinne, chercheur-enseignant à IFP School, qui nous en dit plus.
1. Pourquoi créer cette nouvelle chaire ?
Cette chaire s’intéresse à l’application des outils thermodynamiques pour améliorer l’efficacité des procédés de recyclage. Elle entend développer et promouvoir la recherche sur la thermodynamique de la phase aqueuse contenant différents produits. La phase aqueuse peut elle-même être un déchet qu’il faut traiter avant de recycler ou être le solvant utilisé dans un procédé de valorisation d’un produit (typiquement, des métaux). L’eau est un produit extrêmement complexe qui cache de nombreux comportements que la science actuelle ne peut pas expliquer ! En mélange avec des acides, des bases et des solvants organiques, les modèles industriels actuels sont bien en peine de décrire les propriétés nécessaires pour mettre au point les procédés que nous cherchons à modéliser.
La revalorisation des produits permet simultanément de diminuer la pression sur les ressources naturelles et de réduire la pollution liée aux déchets. C’est un secteur en pleine évolution, poussé à développer des approches innovantes pour améliorer son efficacité et, de ce fait, son impact environnemental. En créant cette nouvelle chaire, nous veillons à adapter nos programmes de formation et souhaitons à la fois anticiper les besoins croissants en compétences dans le domaine du recyclage et renforcer notre positionnement sur les enjeux environnementaux.
Cette chaire s’inscrit également dans la continuité des travaux que je mène déjà au sein d’IFP Energies nouvelles dans le cadre du Joint Industry Project Elether, lancé en 2019 et qui regroupe actuellement sept partenaires industriels.
2. Quels seront les axes de recherche de la chaire ?
Les travaux de recherche se concentreront sur quatre axes, à savoir :
- la mise en place de mesures expérimentales innovantes permettant d’accéder à des données microscopiques et macroscopiques complémentaires ;
- la compréhension des interactions entre les espèces dans une solution contenant des électrolytes ;
- le développement d’outils de modélisation (des équations d’état) utilisables dans des simulateurs de procédés ;
- l’évaluation de la sensibilité des résultats de simulateurs par rapport aux données employées.
3. Est-ce que les travaux de recherche ont déjà commencé ?
Oui, dans le cadre du JIP Elether, une première thèse doctorale, intitulée "Analysis of electrolyte solvation within the primitive equation of state framework", a démarré en 2019 et porte sur l’étude d’une équation d’état basée sur des concepts de thermo statistique, permettant de prédire correctement les fortes concentrations en espèces ioniques ou les hautes températures.
Nous allons lancer une deuxième thèse en fin d’année pour étendre le sujet aux solvants contenant des espèces organiques.
4. Quelles sont les dernières actualités de la chaire ?
Le 19 mai dernier, l’European Federation of Chemical Engineering (EFCE) a organisé, avec le soutien du Joint Industry Project EleTher, un webinaire autour des avancées scientifiques dans le domaine de la thermodynamique des électrolytes.
À cette occasion, j’ai présenté les principaux résultats du Joint Industry Project et annoncé notre intention d’en lancer un nouveau à partir de janvier 2022. On peut résumer les résultats en deux points principaux. Le premier concerne l’analyse des données. Il s’avère que même sur des systèmes simples, il reste des conditions opératoires inexplorées (pour certains sels, il n’y a des données qu’à 25°C, or souvent, les procédés travaillent à haute température). Le second point abordé concerne l’étalonnage des modèles : ceux-ci contiennent souvent de nombreux paramètres qui doivent être ajustés sur des données expérimentales. Un guide de bonnes pratiques est proposé pour répondre aux inquiétudes de nombreux industriels sur la qualité de ces modèles.
La seconde actualité d’importance concerne la prochaine conférence internationale ESAT (European Symposium on Applied Thermodynamics) qui se déroulera du 5 au 9 juillet 2021. Ce congrès réunit en temps normal tous les ans la communauté européenne de thermodynamique chimique. IFP Energies nouvelles s’est associé avec Mines ParisTech pour organiser ce congrès qui doit accueillir environ 250 chercheurs et industriels. La thermodynamique des électolytes y tiendra une place de choix !
Entretien réalisé par Meyling Siu